L’avenir du T-shirt

Le tee-shirt a de l’avenir depuis sa naissance. Sa première couche. Il est le vêtement adopté par toutes les générations, toutes les cultures, dans tous les pays. Avec lui-même pour seul adversaire, on voit mal quel ouragan pourrait le déloger de son trône. Le t-shirt est universel, traversant le temps sans un pli. Tel un symbole idéal d’un monde global et local à la fois. Pratique, facile à porter et à entretenir. Le tee-shirt a rejoint une autre icône de la mode, le jean. Cultes, ces deux vêtements sont unisexes, intergénérationnels et démocratiques. Éternels et inséparables.

Le t-shirt, un basique indémodable

« En tant qu’élément de mode, c’est une structure tellement simple qui peut être utilisée et portée en toute circonstance par tout le monde. Le premier tee-shirt était à col rond et manches courtes. Souvent blanc. Puis en couleurs unis. Ensuite avec des couleurs différentes et des manches. Il y a eu les cols en V. Mais le T reste l’élément de base. Aujourd’hui, je pense que l’on peut encore porter un tee-shirt des années 80, peut-être même des années 30 encore en état sans que ce soit démodé. Au contraire des vestes, costumes, pantalons, manteaux. Le tee-shirt est un élément de base et le restera », analyse Frédéric Godart.

Un produit face à une crise des consciences

Le t-shirt est le vêtement adopté par toutes les générations et les stylistes rivalisent d’imagination pour animer des inédits. Nouvelles formes, nouvelles couleurs, nouvelles matières. Alors, même si son avenir semble aussi radieux qu’infini, il y a dans cette fabuleuse histoire, le fond et la forme. Il est question ici de fabrication, de dérapages humains, de santé. Si il ne veut pas devenir un énième produit détruisant la planète, le tee a tout intérêt à commencer à se poser les bonnes questions. Son avenir se situe dans le commerce équitable, du t-shirt en coton biologique au t-shirt recyclé, sans parler du t-shirt à neutralité climatique… Des marques sont de plus en plus nombreuses à se rassembler sur l’importance de revenir à une production locale tout en faisant attention au suivi des réglementations de travail. Là même où le coton pousse. Afin d’éviter de nouvelles tragédies si souvent observées et dénoncées dans les pays d’Asie notamment, de plus en plus d’entreprises choisissent des t-shirts de fabrication éthique comme support de communication et valorisent de la sorte leur image en faveur du développement durable.

Et si on recyclait nos t-shirts ?

Révolutionnaire, le tee est-il prêt à entamer sa révolution pour exister au plus haut niveau ? A en croire le journaliste Alden Wicker, le dossier semble plus sensible que jamais. Dans son article publié dans le Courrier International du 13 octobre 2016, ce dernier dénonce H&M et sa collection « Conscious », ligne soit disant éco-responsable.

Présent à la soirée de lancement de l’édition 2016 de la collection, il livre un poignant pamphlet : « Le géant de la fast fashion, qui compte plus de 4 000 magasins dans le monde et a enregistré un chiffre d’affaires de 25 milliards de dollars en 2015, voulait promouvoir un autre projet lancé début 2013 : encourager les clients à recycler leurs vêtements, ou plutôt les convaincre de les rapporter (toutes marques confondues) dans les magasins H&M du monde entier. C’est une idée louable, mais aussi une grossière simplification de la situation. À peine 0,1 % des vêtements collectés par les œuvres de bienfaisance et les programmes de récupération sont recyclés pour fabriquer de nouvelles fibres textiles ». Une information chiffrée lourde de sens, divulguée par le responsable du développement durable chez H&M, Henrik Lampa, qui était à la soirée pour répondre aux questions de la presse.

Flyer H&M Collection Conscious

Alden Wicker ajoute : « Bien qu’elle ait consacré un gros budget marketing – qui a notamment financé un clip de la rappeuse M.I.A. – à sa « Semaine mondiale du recyclage de la mode », l’entreprise ne fait rien d’extraordinaire. Les vêtements qu’elle récupère suivent exactement le même parcours que ceux donnés à l’entreprise sociale Goodwill ou à n’importe quel autre organisme ». L’avenir ne se situe bien évidemment pas au fond d’une poubelle. Les vêtements ne se compostent pas et les enjeux autour du tee se situent bel et bien au cœur de ce petit jeu qui n’en est pas un. Selon l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement, 84 % des vêtements dont les Américains ont voulu se débarrasser en 2012 ont fini dans une décharge ou un incinérateur. Colossal.

À Alden Wicker de conclure, l’air de rien : « Dans une décharge, la dégradation des fibres naturelles comme le coton, le lin, la soie, ou des fibres semi-synthétiques fabriquées à partir de cellulose végétale (notamment la rayonne, le Tencel et le modal), produit du méthane (un gaz à effet de serre), tout comme les déchets organiques ».

Des initiatives locales aux solutions durables

Alors que faire pour l’avenir ? Bienvenue dans l’univers de Stan Kwossi alias MadeDixSix, l’homme qui vogue entre Paris et Marseille. Son but ? Manifester sa vision à la fois rustique et chic de la mode par le recyclage. Selon lui, ses vêtements ne représentent pas une marque mais un concept de couture sur mesure. Semaine après semaine, il recycle des vêtements dénichés dans la rue ou en friperie. « Je fais de la customisation, une forme poétique de la couture, à mi-chemin entre la création et le recyclage. Je me suis dit pourquoi ne pas commencer par remettre au goût du jour de vieilles pièces délaissées dans nos armoires », confie-t-il. Une manière pour lui de bousculer les codes tout en affirmant sa propre personnalité. Un style bobo-rétro-chic à contre-courant pour des pièces uniques hors des standards.

Dans le style recyclé, on retrouve la marque Hopaal, un t-shirt qui ne fait pas semblant en matière d’économie. Avec leurs t-shirts conçus à partir de chutes de tissu et de bouteilles en plastique, Clément Maulavé et Mathieu Couacault proposent une alternative pour palier l’un des problèmes majeurs de l’industrie du textile : l’eau. Grâce à ce procédé, la conception d’un t-shirt Hopaal requiert seulement 40 litres d’eau, soit 67,5 fois moins que les t-shirts classiques. Une recette bien rusée.

Hopaal et son équipe

L’équipe d’Hopaal au complet

De son côté, l’allemand Freitag a compris bien avant les autres que le transport était également un des enjeux écologiques de l’industrie textile. Déjà enfant, Daniel Freitag, co-créateur avec son frère de la marque de sacs faits à partir de matière recyclée, a été sensibilisé à l’écologie par ses parents. « Nous étions tous les deux étudiants en graphisme et, de notre studio, nous avons remarqué ces énormes camions qui roulaient entre l’Allemagne et l’Italie avec leurs bâches de couleur, expliquent-ils en juillet 2015 au Parisien. Le premier sac que nous avons conçu était dans cet esprit : vieille ceinture de sécurité qui sert de bandoulière, bâche récupérée, chambre à air recyclée pour les coutures. Ce sac imperméable était parfait pour le vélo ! Nous avons eu des demandes de fabrication et du coup, nous avons créé notre société en 1993 ».

Dans leur usine, l’eau de pluie est récupérée et sert à laver les bâches. Autosuffisants à 95%, leur chauffage provient à 50% d’usines de retraitement de déchets et chacun de leur sac produit est unique. Ils n’ont d’ailleurs pas tarder à en faire de même avec des vêtements, dont des t-shirts, avec leur marque F-Fabric. Des créations à base de lin, chanvre et modal, matières issues de cultures européennes équitables. S’agissant notamment du lin, il est issu d’exploitations de la famille Cabot en Normandie. « Pantalons, T-Shirts et chemises sont recyclables et compostables. Les boutons se dévissent et peuvent donc être réutilisés. Pour les teintures, nous utilisons le moins de produits chimiques possibles. On ne peut pas vendre un produit avec le seul argument de l’environnement. Il faut qu’il soit fonctionnel, design et sympa à porter ».

La marque F-Fabric de Freitag

Le lin, une alternative au coton qui a ses limites

Le lin, Myriam Underwood et sa marque C’est juste la révolution l’utilise depuis 2013 en faisant le pari de s’approvisionner en France. Made in Normandie, bien sûr, chez Romain Paté. « Au-delà de sa plantation en local, c’est aussi pour son faible impact sur l’environnement. Le lin n’a pas besoin de beaucoup d’eau ni d’ajout toxique pour pousser », confie-t-elle aux journalistes Alexia Sauvageon et Camille Roperch, auteures en octobre 2016 du film documentaire Quand nos t-shirts filent un mauvais coton pour ITV Studios et France 5. Mais produire local coûte plus cher à chaque étape. Il se vend 2€ le kilo, soit deux fois plus que le coton. Son prix moyen atteint les 80€, contre 30€ pour le tee en coton. Mais qui dit lin dit aussi entretien. Une matière noble que la jeune génération n’est pas vraiment prête à porter de sitôt…

Symbole de la grande consommation vestimentaire, le tee est à ce jour l’article du genre le plus acheté en France et le plus importé dans l’Union européenne : 600 000 tonnes par an chaque année, principalement de Chine et du Bangladesh. Remonter le fil de sa fabrication, c’est donc découvrir une réalité bien sombre, à l’image de notre société. Surgit de plein fouet l’horreur humaine et environnementale qui se cache derrière ces vêtements hâtivement achetés. Hâtivement portés.

Fleurs de lin

Fleur de lin sur un tissu fabriqué en lin

La mode écologique rattrapée par une réalité économique

Myriam Hoffmann, toujours dans le Monde Économique de février 2014, entonne un véritable plaidoyer : « Longtemps rustiques, écolos au mauvais sens du terme, à la limite du soixante-huitard attardé, la mode écologique fait désormais dans le glamour, parfois même le luxe. A travers la « ethical fashion » ou mode éthique il est grand temps que d’une part l’industrie du vêtement et d’autre part, le consommateur, prennent conscience du lieu et du mode de fabrication ».

Quant à l’avenir, Romain Cahoreau, Directeur Production chez Grafitee, résume assez bien la situation : « Le secteur du tee marche bien, les sites explosent, il y a de belles perspectives. Il y a une statistique qui dit qu’on vend plus de tee-shirts que de riz dans le monde. Pour parler de la France, le problème du Made in, c’est qu’il suffit de mettre une étiquette et tu as le Made in. Si tu as 51% de production, ça passe. Pour moi, le vrai label, c’est lorsque c’est fabriqué en France de A à Z, bien sûr sans le coton qui ne pousse pas chez nous. Donc faire du Made in France, c’est un peu le serpent qui se mord la queue. Les gens aimeraient acheter du Français mais, quand tu vois le pouvoir d’achat moyen, ils ne peuvent pas se le permettre, cela coûte beaucoup trop cher. Un tee-shirt fait en France te revient hors taxes 10€. Quand c’est fait au Bangladesh, tu peux l’avoir à moins d’1€ pièce ». Tout est dit ou presque.


Pour prolonger un peu la lecture :

L’histoire du t-shirt
Comment sont fabriqués nos t-shirts
Guide pratique pour bien choisir un t-shirt
Bien entretenir ses tee-shirts

ARTICLE AJOUTÉ AU PANIER

Rejoins la communauté Grafitee

Tu veux être informé de nos bons plans
et nouveautés avant tout le monde ?